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L’INSTRUCTION


4 millimètres. Et Bertillon, en effet, s’était servi d’abord d’un réticule de 4 millimètres[1]. Mais, l’expérience ayant été négative, il avait pris une grille de 5 millimètres, estimant que Dreyfus avait choisi ce papier quadrillé à 4 millimètres « précisément pour empêcher qu’on ait recours au réticulage par 5 qui donne la clef de l’affaire »[2].

D’ailleurs, même avec la grille à 5 millimètres, la remarque est fausse. Ces mots, dont Bertillon affirme qu’ils se superposent, ne se superposent pas exactement, ne s’emboîtent pas ; les barres de la grille ne les coupent pas semblablement ; aucun point ne coïncide ; le repérage n’existe pas[3]. C’est un fait qui a été établi mathématiquement pour chacun des mots dénoncés par Bertillon. Fait plus grave encore, les photographies réticulées de Bertillon ont été retouchées par lui, afin de justifier sa découverte[4]. La fraude qu’il veut prouver, il ne la peut démontrer que par une fraude.

Enfin, même en acceptant comme exactes les coïncidences qu’il signale, le calcul des probabilités, d’où il infère qu’il n’y a pas eu hasard, est imbécile. Évaluant à 0,2 la probabilité d’une coïncidence isolée, il conclut que la probabilité pour 4 coïncidences (celles qu’il dit avoir réalisées sur 26 essais) est de 0,0016. « Or, 0,0016, c’est la probabilité pour qu’il y ait 4 coïncidences sur 4. Celle pour qu’il y en ait 4 sur 26 est 400 fois plus grande, soit 0,7[5]. » Erreur « colossale »

  1. Rennes, II, 324, Bertillon : « Je me servis d’abord d’un réticule de quadrillage par 4 millimètres, dont la contexture du bordereau était imprimée. »
  2. Rennes, II, 377, Bertillon.
  3. La démonstration a été faite à Rennes par le dessinateur Paraf-Javal (II, 415 et 416)
  4. Rennes, II, 414 et suiv., Paraf-Javal.
  5. Lettre d’Henry Poincaré, de l’Académie des Sciences, à Painlevé (Rennes, III, 329).