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L’INSTRUCTION


mentaires qu’ils vendaient quatre sous ; des civils (officiers de réserve et de territoriale) en reçurent, et même des journalistes[1]. Si l’espion vante avec tant d’insistance cette pauvre marchandise, c’est qu’il ne se trouve pas en situation de se la procurer facilement ; il n’est donc ni officier d’artillerie ni officier d’État-Major. Dès lors, les notes que, lui-même ; il ne tient pas pour importantes, que valent-elles[2] ?

L’accusation n’en connaît que les titres ; elle ne peut faire sur leur contenu que des hypothèses[3]. Connaît-on un livre sur son titre ? Du titre de ces notes, peut-on inférer qu’elles renferment des renseignements secrets, sérieux, précieux ? Quel officier, quel civil même, rien qu’en lisant les journaux spéciaux, ne serait pas capable d’écrire une note sur Madagascar, sur les troupes de couverture ? Ou sur la suppression des pontonniers, — si tant est que la note sur les formations de l’artillerie se rapporte à la loi du 29 juillet 1894, longuement discutée devant les Chambres ?

Combien d’indices, au contraire, que l’auteur du bordereau est un officier de troupe, peu informé des choses de l’artillerie et de l’État-Major, ignorant des termes mêmes du métier !

    qu’il a eu à la même époque (I, 512). Un avocat de Nancy, Me Nicolas, canonnier conducteur de 2e classe, a reçu le manuel avec l’autorisation de l’emporter chez lui et de le faire copier par son domestique (Cass., III, 614).

  1. Cass., I, 535 et 536, Hartmann.
  2. Rennes, III, 52, Émile Picot : « Le colonel Schneider, attaché militaire d’Autriche, causant avec moi en mai 1899, a insisté sur ce fait que, sur les cinq notes qui sont énumérées au bordereau, trois documents avaient une valeur telle quelle, celles qui portent les numéros impairs, 1, 3, 5, et que les deux autres avaient été mises là uniquement pour le remplissage, pour grossir le paquet. »
  3. Rennes, I, 05, Zurlinden ; III, 65 et 237, Deloye, etc. « Des raisonnements mathématiques, s’écrie Deloye, alors que la culpabilité de l’accusé peut en dépendre, jamais ! »