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LA CAPITULATION DE MERCIER


gnements[1] ; il eût fallu leur dire quel usage il se réservait d’en faire[2]. Toutefois, il montra la pièce Canaille de D… au Président de la République[3] et à Hanotaux[4], pour les rassurer, mais sans leur dire qu’elle ne serait soumise qu’aux seuls juges.

VIII

Ces juges, d’ici quelques jours, quand ils recevront les pièces secrètes et quand ils jugeront sur elles, ces juges, ignorants de la loi qu’ils appliquent, ne sauront pas qu’ils la violent.

Mais Mercier connaît la loi. Il sait qu’il prépare un crime.

La preuve qu’il le sait, c’est qu’il s’en cache.

Il s’en cache à ses collègues, juristes pour la plupart, qui se seraient refusés à être ses complices. Il s’en cache au chef de l’État dont la loyauté se fût révoltée.

  1. Rennes, II, 198. « Me Labori : Pourquoi le général Mercier n’en a-t-il pas fait part aux ministres ? — Mercier : Je ne crois pas avoir à répondre à cette question ; c’est une question politique qui n’est pas du ressort de la défense. »
  2. Cass., I, 292, Poincaré : « Il ne nous a pas été parlé, alors, d’une communication de pièces secrètes, faites en chambre du conseil de guerre ; si l’autorisation d’une communication de ce genre avait été demandée au Gouvernement, personnellement, pour ma part, je ne l’aurais pas donnée. »
  3. Cass., I, 330, Casimir-Perier. — Voir Appendice VIII. — La première fois où Mercier est interrogé sur la pièce Canaille de D…, il déclare ne pas la connaître (Procès Zola, I, 167) : « Le Président : Connaissez-vous cette pièce, général. — Mercier : Non, je ne la connais pas. »
  4. Hanotaux raconta l’incident à Trarieux, son collègue dans le cabinet Ribot qui succéda au cabinet Dupuy. (Rennes, III, 411. Trarieux). Peu de temps après, Trarieux le dit à Demange. (Matin du 27 février 1898.)