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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


« qu’il y filouta ses coreligionnaires et autres », que la famille de sa femme a payé pour lui de grosses sommes[1].

Les relations qu’il a faites dans ces mauvais lieux, à Nice et à Monaco, ont pu l’entraîner loin. Au surplus, « il a épousé une femme dotale qui faisait d’assez fortes dépenses de toilette[2] ».

Cependant la Préfecture de police avait poursuivi, de son côté, une enquête, tant sur la demande de Mercier que de sa propre initiative, pour vérifier les dires des journaux[3]. Sa note[4] établit nettement qu’il y a eu « confusion de noms[5], et que le capitaine Dreyfus était inconnu dans les cercles de jeux de Paris ». Le préfet de police la remit à Henry, mais non sans en garder la minute.

La note remise à Henry a disparu. Le dossier de D’Ormescheville ne comprend que les rapports de Guénée, l’un daté du 4 novembre, l’autre du 19, mais qui suffit

  1. « Une des amies de Mme Hadamard lui ayant dit qu’elle allait conseiller à sa fille de demander le divorce parce que son mari avait perdu 20.000 fr. au cercle, reçut cette réponse : « Divorcer pour 20.000 fr. ! Ah ! nous en avons payé bien d’autres pour le capitaine ! » (Rapport.)
  2. Cass., I, 722. Guénée.
  3. « Il est exact, dépose Lépine, que le ministre de la Guerre, désirant contrôler des renseignements sur les habitudes de l’accusé, renseignements qui lui avaient été fournis par une police étrangère à la mienne, me demanda une première fois, vers le commencement de novembre 1894, si Dreyfus avait perdu de fortes sommes au cercle Washington et si son beau-père était intervenu pour rembourser le prêteur. » (Cass., II, 12.) Mercier ne fait aucune allusion à cet incident, pourtant honorable, ni devant la Cour de cassation ni à Rennes. Il ne dit nulle part qu’il ait demandé un rapport à Lépine ni qu’Henry ne le lui ait pas remis. C’est, sans doute, pour n’avoir pas à confesser qu’il l’a détruit.
  4. Du 9 novembre 1894.
  5. « Il y a lieu d’établir qu’une confusion doit exister entre Alfred Dreyfus et les Dreyfus, au nombre de quatre, qui font