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LA « LIBRE PAROLE »

Plusieurs ministres tenaient Mercier pour incapable, maladroit, et d’une présomptueuse sottise ; aucun ne suspectait sa parole. Tous eussent repoussé avec horreur l’idée qu’il aurait pu charger un innocent, mentir dans des circonstances aussi tragiques, quand l’honneur d’un homme, d’un officier, était en cause. Auraient-ils demandé d’autres preuves s’il ne s’était pas agi d’un juif, si l’opinion n’avait pas été saisie par la Libre Parole ?

Les poursuites contre Dreyfus, l’ouverture d’une instruction judiciaire furent décidées à l’unanimité[1].

Dupuy et Mercier se rendirent aussitôt à l’Élysée ; ils informèrent Casimir-Perier qui, n’ayant pas assisté au Conseil, n’avait eu à intervenir ni dans le débat ni dans la décision[2].

Dès le lendemain, Mercier transmit le dossier au gouverneur de Paris[3] ; le 3, Saussier donna l’ordre d’informer, et chargea de l’instruction le commandant Bexon d’Ormescheville, rapporteur près le 1er conseil de Guerre.

VI

La veille de ce jour où la Libre Parole nomma Dreyfus, Du Paty, sur une nouvelle demande de Mme Dreyfus, l’avait autorisée à prévenir les frères de son mari[4]. Il

  1. Cass, I, 292, Poincaré ; I, 658, Dupuy. — Rennes, I, 92, Lettre de Dupuy à Mercier.
  2. Rennes, I, 92, Lettre de Dupuy ; I, 65, Casimir-Perier.
  3. 2 novembre.
  4. Mme Dreyfus avait fait sa demande le 29 ; Du Paty en rédigea un procès-verbal qu’il joignit au dossier. Ce procès-verbal est signé : Du Paty de Clam, Gribelin, L. Dreyfus. La réponse affirmative de Du Paty ne fut donnée que le 31.
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