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LA « LIBRE PAROLE »


« C’était un faux ; il ferait procéder à une enquête minutieuse pour en découvrir l’auteur. » Papillaud, prudent, ne lui en laissa qu’une copie.

La preuve que la lettre venait d’Henry, qu’elle soit ou non de son écriture, c’est qu’il ne rendit compte de l’incident à personne. Eût-il hésité à le faire, si la lettre avait été un faux ?

L’agitation était vive dans les bureaux de la Guerre. Qui a parlé ? Qui a désobéi aux ordres du ministre ? Qui cherche à lui forcer la main ?

Henry, comme les autres, en discourut, de cet air « ingénu » que Du Paty a fait observer un jour[1] et qui servait de masque au fourbe dans les circonstances difficiles.

II

Du Paty a été accusé d’être l’auteur de la divulgation, d’avoir fabriqué et signé du nom d’Henry la lettre à la Libre Parole. Soupçon injuste et stupide. Il n’est point homme d’initiative, n’agit que par ordre. Et quelle raison à cette indiscrétion ? « Pour avoir le procès[2] » ?

Cependant, l’entrée en scène de Drumont lui fut une raison de se hâter. Le soir même, il montra à Dreyfus la photographie du bordereau. « Cette lettre, lui dit-il, a été prise à l’étranger, au moyen d’un portefeuille photographique, et nous en possédons le cliché pellicule… Reconnaissez-vous cette lettre pour être de votre écriture[3] ? »

  1. À l’instruction Tavernier. — Voir p. 268, en note.
  2. Cass., I, 342, Cuignet.
  3. Interrogatoire du 29 octobre, procès-verbal. — Qu’est-ce qu’un portefeuille photographique ?
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