Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, La Revue Blanche, 1901, Tome 1.djvu/206

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
184
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


des experts et qu’elle était incapable d’une action louche.

Saura-t-on jamais qui était ce visiteur ?

Charavay ne comprit l’impudente manœuvre que longtemps après.

Il tomba dans le piège, y perdit la chance qui lui restait de reconnaître à temps son erreur.

Pourtant, son rapport fut hésitant. Il conclut « que la pièce incriminée est de la même main que les pièces de comparaison ». Il réserve, toutefois, la possibilité « d’un sosie en écriture », comme il en existe pour les visages. Seulement, ces sosies, « on n’a de chance d’en rencontrer que dans un ensemble considérable de documents émanés de nombreuses personnes et non dans un cercle restreint ».

XIII

Ce rapport de Charavay et celui de Teyssonnières ne furent déposés que le 29 ; le rapport de Pelletier est du 25. Du Paty, dans l’intervalle, crut l’affaire perdue. Même quand il connaîtra l’expertise de Charavay, il restera perplexe, se dérobera devant une conclusion formelle.

Henry était un autre homme. Habile à suivre les voies obliques et à s’y dissimuler, il savait regarder le danger en face.

Depuis dix jours et plus que Dreyfus était arrêté et livré à Du Paty, l’accusation non seulement n’avait pas avancé, mais reculait. Rien, toujours, que le bordereau ; mais que pèserait, devant un juge qui serait un juge, Bertillon contre Pelletier et Gobert ? On avait bien