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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Je connais les militaires ; il ne faut pas les prendre à rebrousse poil… Carrière est un grotesque ; ce qu’il dit dans un sens ou dans l’autre n’a pas d’importance… Pourquoi j’ai couvert Chamoin ? Parce que je sais par lui tout ce qui se passe au conseil. Laissez-moi faire[1] ! »

Bien que Waldeck-Rousseau reçut de lui les mêmes assurances, peut-être sincères, il restait sceptique, mais n’en refusait pas moins à faire intervenir le gouvernement, comme les amis de Dreyfus le lui demandaient. — Impossible, leur disait-il, d’oublier la promesse faite aux Chambres que les débats seront libres, comme le veut la loi et après tant de protestations contre les « par ordre ». — Impossible, en plein procès, de révoquer Carrière, ce qui serait un fait sans précédent, ou d’agir sur lui sans l’en menacer, c’est-à-dire s’exposer à un éclat de sa part, et, dans l’un ou l’autre cas, sans profit ; on n’y gagnerait pas une voix. — Impossible de conseiller autre chose à Jouaust que plus d’impartialité apparente et de bonne humeur. — S’il y a des faux témoins, au sens de la loi, c’est aux avocats, aux intéressés, à les dénoncer : que ne le font-ils ? — Le cas de Chamoin est certainement fâcheux, mais Galliffet ne consent pas à le remplacer, a menacé de s’en aller plutôt que de le frapper autrement que d’un blâme[2]. — La Chambre ayant réservé à statuer sur la mise en accusation de Mercier, impossible de pour-

  1. Voir p. 300 — Au procès Dautriche : « Je ne connaissais pas les juges de Rennes et j’avais le droit de ne rien leur dire. Je ne leur ai jamais rien dit. » (669.)
  2. Procès Dautriche, 649, Galliffet : « J’arrive au conseil des ministres. Là on me demande la tête du général Chamoin ; je réponds : « Je l’ai couvert, on ne le découvrira pas, ou je m’en vais. » L’incident fut clos. » — Il a dit précédemment : « Je lui avais lavé la tête pour avoir commis une imprudence. »