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commencé à l’inquiéter au sujet de Dreyfus ; puis, dès le lendemain du discours de Cavaignac, il en a dit son opinion, avec son franc-parler d’homme qui n’attend et ne redoute rien de personne, et de là lui sont venus tous ses ennuis, sa réputation d’ivrogne et l’accusation, étayée d’un faux, qu’il s’est offert et vendu aux juifs. En effet, peu après la mort d’Henry, on avait retrouvé dans la réserve du faussaire une lettre signée d’un simple paraphe, dont l’auteur proposait ses services à Mathieu Dreyfus, et, comme Henry, en la montrant à Lauth, lui avait dit que l’écriture ressemblait à celle de Cordier[1], tous, de Gribelin à Roget, n’hésitèrent pas à la lui attribuer. La lettre, du 26 octobre 1896, — quand Cordier était bien tranquille sur la culpabilité de Dreyfus, — aurait été, selon Henry et Lauth, transmise au ministère de la Guerre par l’administration des Postes, à cause de l’adresse inexacte ou incomplète : « Mathieu Dreyfus, fabricant à Belfort », et elle était certainement authentique, selon Roget, « incontestablement de son vieux camarade d’école », du vieil ami qu’il avait toujours connu, jusqu’à cette soudaine conversion, « pour le plus enragé des antisémites[2] ». Cordier, dès qu’il apprit ces diffamations, déposa une plainte en faux et le juge n’eut pas de peine à établir que la lettre était de Lemercier-Picard[3].

  1. Instr. Boucard, dép. de Lauth, Gribelin, Junck, Rollin, etc.
  2. Cass., I, 639, Roget : « Il existe au ministère de la Guerre une lettre qui paraît être incontestablement du colonel Cordier… etc. »
  3. La déposition de Roget est du 3 février 1899. Dès le 14 janvier, Drumont, toujours informé par avance, faisait paraître cette note : « Le colonel Cordier osera-t-il nier avoir écrit à Mathieu Dreyfus pour lui offrir ses services ? » — : À l’enquête du juge Boucard, l’écriture, de Lemercier-Picard fut formellement reconnue par le directeur du séminaire israélite de la rue Vauquelin, « dont il était parlé à deux reprises dans la lettre