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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


la façon des dieux de l’Iliade qui, échappant aux yeux, ne frappent que plus sûrement).

Chaque fois que des adversaires sans scrupules abuseront contre lui du secret d’État qui les confondrait, mais dont la révélation entraînerait la guerre, — et de quoi ces malheureux soldats trompés auraient-ils peur sinon de la guerre ? — ils évoqueront l’annotation impériale, le véritable bordereau, sur papier fort, et toute la réalité s’évanouira aussitôt devant le spectre.

XI

Ainsi pour sa confrontation avec Casimir-Perier[1].

On n’a pas oublié l’intervention véhémente de l’ancien Président de la République à la fin de la dernière audience, sa surprise indignée au récit de la prétendue nuit d’angoisse à l’Élysée. Maintenant, à la barre, côte à côte avec Mercier vers qui il s’est tourné et qu’il dévisage de son œil clair, il lui inflige d’impérieux démentis : « Jamais Lebrun n’a parlé devant moi des aveux… Dans la soirée du 6 janvier, je n’étais pas troublé ; je ne sais pas qui l’était… Si l’incident avait été aussi tragique, l’ambassadeur en aurait référé à Berlin avant de prendre rendez-vous pour le lendemain avec le président du Conseil… Ce qui supprime la scène de l’Élysée, c’est que nous n’avons pas eu de nouvelles ce soir à minuit… Si l’on avait eu le 6 des nouvelles disant que l’incident était clos, on n’aurait pas attendu le 8 pour faire paraître la note… » Mercier, très pâle, mais se roidissant : « Le capitaine Lebrun-

  1. Rennes, I, 149 à 155.