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RENNES


comme la flèche, gravit « avec une rapidité extraordinaire[1] » les vingt marches de l’escalier accoté au pont Laënnec, et coupa au travers du boulevard de ce nom.

Le marinier eût pu se joindre aux poursuivants ; il se remit à décharger sa péniche. Deux ouvriers[2] qui, d’un peu plus loin, avaient assisté au meurtre, se portèrent au secours de Labori.

Le préfet Duréault et Viguié, le directeur de la Sûreté, avaient été invités expressément par Waldeck-Rousseau à assurer la protection des principaux protagonistes de l’Affaire, en raison de l’effervescence des esprits, du bruit répandu d’un complot contre Mercier ou contre Picquart, et des lettres de menaces que l’on recevait dans les deux camps. Ainsi deux gendarmes avaient été préposés, depuis le commencement du procès, à la garde de la maison de Labori. Leur consigne aurait dû être de l’escorter, ce qui eût empêché peut-être l’attentat. Ne le suivant pas, ils auraient dû rester à leur poste. S’ils ne s’en étaient pas éloignés[3], ils auraient saisi l’assassin qui, dans sa fuite, passa juste devant la maison. Seul, le valet de chambre de Labori apparut, aux cris qu’il entendit, et se joignit à Picquart et à Gast[4].

  1. Récit de Picquart.
  2. Guérette et Lahaye.
  3. « Les deux gendarmes qui avaient été préposés, depuis le commencement du procès, à la garde de ma maison, où ils se trouvaient en permanence devant la porte, n’étaient pas à leur poste. » (Labori, dans le Journal du 11 décembre 1901.) — À l’enquête, les gendarmes expliquèrent qu’ils étaient à leur poste au moment de l’attentat ; entendant des cris aux environs du pont Saint-Georges, « ils se seraient élancés vers ce bruit, juste au moment où l’assassin allait passer place Laënnec ». Cette version fut confirmée par Hennion. (Figaro du 20 août 1899).
  4. Devant la maison de Labori, dans un accès de surexcitation folle, il a parlé : « Je viens de tuer l’avocat de Dreyfus ! » (Matin du 15). — Voir p. 353.