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RENNES

Vous me demandez de dire la vérité, toute la vérité ; je l’ai juré, je la dirai sans réticences et sans réserves, tout entière. Quoi que j’aie déjà dit dans le passé (à la Cour de cassation), on persiste à croire ou à dire — ce qui, malheureusement, n’est pas toujours la même chose, — que je connais seul des incidents ou des faits qui pourraient faire la lumière, et que je n’ai pas jusqu’ici dit tout ce que la justice aurait intérêt à connaître. C’est faux… Je ne veux sortir de cette enceinte qu’en y laissant l’inébranlable conviction que je ne sais rien qui doive être tu et que j’ai dit tout ce que je sais[1].

Impossible de démentir plus fortement que l’Affaire eût un côté mystérieux ; le plus simple bon sens voulait que cet homme, qui était descendu par scrupule du plus haut poste, n’allât pas se parjurer pour le plaisir.

Il prononça cet exorde de son ton le plus tranchant, « d’une voix métallique, claironnante[2] », les yeux dans les yeux de Jouaust, et il ne mit pas moins d’énergie et d’accent dans le reste de son discours. Il ajouta seulement quelques détails à son précédent récit, — notamment, à propos de son entretien du 6 janvier 1895 avec Munster, le texte de la note de Hohenlohe[3] qui n’avait pas encore été publié, — mais insista avec force sur ce que Mercier lui avait dit du peu d’importance des documents énumérés au bordereau, sur l’ignorance où il avait été tenu de la communication des pièces secrètes aux seuls juges, et sur son entretien avec Lebrun-Renaud, qui ne lui avait pas soufflé mot des aveux. L’article du Figaro, qui avait motivé sa

  1. Rennes, I, 61, Casimir-Perier
  2. Claretie, Ducuing, etc.
  3. Voir t. Ier, 524.