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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


de promotion de Cavaignac, le premier resté très jeune à quarante-huit ans, la mine aimable et éveillée ; le second, prématurément blanchi, qui passait pour fin, comme beaucoup de gens de façons polies, qu’elles soient naturelles ou calculées ; enfin, les deux capitaines, Parfait, figure froide et attentive, et Beauvais, d’aspect énergique, avec de gros yeux ronds, mais vifs, et de beaucoup le plus intelligent de ces sept soldats.

Aucune instruction spéciale ne leur fut adressée. Brugère, à son passage à Rennes[1], ne s’occupa que de son inspection, ne dit pas un mot de l’Affaire à Jouaust, son camarade de quarante ans, qu’il tutoyait. Chamoin et Paléologue, délégués par Galliffet et Delcassé, n’eurent d’autre mission que de renseigner leurs ministres et d’expliquer les dossiers secrets.

La veille de l’ouverture des débats[2], Esterhazy adressa de Londres une longue lettre à Carrière.

Depuis près d’un an qu’il avait pris la fuite, il ne vivait, comme on a déjà vu, que de son infamie, en trafiquant au détail, tantôt vendant aux journaux des

  1. 22 juillet 1899. — Drumont raconta que Brugère avait pressé sur les juges militaires. Il le savait d’Esterhazy qui avait écrit à Cabanes : « Vous pouvez faire savoir à Boisandré que je tiens de la source la plus sûre que l’Empereur d’Allemagne a exercé une pression violente sur le conseil de guerre en faveur de Dreyfus et contre moi, à qui Schwarzkoppen et son maître ne pardonnent pas de les avoir roulés. C’est en invoquant la démarche impériale que Brugère a parlé à Jouaust. Ce fait est absolument certain. » Dans une autre lettre : « J’envoie à Boisandré un long récit officiel, sûr, certain, de l’intervention de Schwarzkoppen. » — Barrès, 213 : « Quel fut, l’objet de la longue entrevue (de Brugère) avec le colonel Jouaust ? » De fait, Brugère le reçut simplement à dîner avec les autres officiers supérieurs.
  2. 6 août.