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ESTERHAZY


quête, il réussit à s’y soustraire par un voyage opportun et les influences qu’il fit agir[1] ; Esterhazy, d’autre part, fit taire Morès. Et, dès lors, malgré sa réputation douteuse et tant de bruits, fondés ou non, qui avaient couru sur son compte, il continuait à faire figure dans le monde de l’armée et jouait à l’officier hors cadres, dont il affectait l’allure. Il vivait dans la familiarité de Saussier, « le patron », était fort lié avec Lewal et Warnet. Il recevait ces généraux à sa table ; Esterhazy dîna chez lui avec Saussier. Il ne connaissait aucun secret militaire, mais passait pour informé et faisait l’important.

Tant que les archives de l’État-Major prussien n’auront pas ouvert leurs portes, on ne saura pas quels documents et renseignements furent livrés par Esterhazy. Ici tout est obscur, sauf son coup du début, qui fut un coup de maître, où il eut la chance de pouvoir satisfaire à la première demande de Schwarzkoppen. Heureusement, de pareilles occasions étaient rares. Henry, simple commandant, affecté à un service spécial et isolé dans L’État-Major ; Weil, simple amateur, ne pénétraient pas au mystère de l’organisation militaire. Et cette grande machine elle-même, combien peu elle comporte de rouages secrets[2] ! Les débats des Chambres, les rapports des grandes commissions, le budget de la guerre, établi et voté par chapitre,

    annonça que le ministre de la Guerre avait prescrit de réunir un conseil d’enquête. Là-dessus, réplique de la Libre Parole sous la signature de Lamase ; c’est le récit des incidents qui firent exclure Weil des champs de courses.

  1. Cass., I, 513, Picquart.
  2. Chambre des Députés, séance du 11 mars 1899, discours de Freycinet, ministre de la Guerre. (Discussion du chapitre 32 du budget de la guerre : amendement tendant à la suppression des attachés militaires.)