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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


l’homme parut sur la scène, ont reconnu, sous le brave soldat, et qu’il eût pu demeurer, le profond scélérat qu’il était devenu.

XIII

De ce qu’Esterhazy, faisant son marché avec Schwarzkoppen, lui a désigné Henry comme son complice, il n’en résulterait pas que l’association d’espionnage ait existé. Il dit vainement la vérité quand il ne l’appuie point de preuves, dix fois irréfutables. On comprend, du reste, son intérêt à authentiquer sa marchandise, à la faire valoir pour en tirer un meilleur prix. Schwarzkoppen transmit aussitôt l’information au chef de l’État-Major allemand, le général de Schlieffen.

D’autre part, entre tant de prétendus complices qu’il eût pu nommer à l’attaché allemand, pourquoi choisir cet officier obscur, d’un grade inférieur, qui vient à peine de rentrer au bureau des Renseignements ? Il eût pu s’autoriser, avec plus d’avantage, de plus gros personnages, par exemple de Sandherr, qu’il avait rencontré en Tunisie[1].

L’objection n’est pas sans réplique. Il indique Henry

  1. Procès-verbal de l’interrogatoire subi par Henry le 30 août 1898 : « Je crois que Sandherr et Esterhazy s’étaient connus en Tunisie, mais je n’ai jamais vu le commandant venir au bureau qu’une fois en 1895 ; il venait apporter au colonel Sandherr des documents qu’il avait recueillis par hasard. » — Cass., I, 98, Roget : « Henry (le jour des aveux) me dit qu’il croyait que Sandherr et Esterhazy s’étaient connus en Tunisie comme des officiers qui se rencontrent dans un poste. » Roget atténue, devant la Cour de cassation, la phrase relative « aux documents recueillis par hasard » ; il dit qu’Esterhazy « était venu au bureau je ne sais pas trop pourquoi ».