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ESTERHAZY


parce qu’il était lié étroitement avec plusieurs généraux et qu’il avait, au service des Renseignements, un officier qui le documentait.

Schwarzkoppen l’écouta avec défiance, étonné d’une telle impudeur. Il connaissait l’organisation du contre-espionnage français ; il savait qu’à la suite des affaires où avaient été surpris l’un de ses prédécesseurs, le baron de Huiningen, dit de Huehne, et le capitaine Borupt, attaché militaire des États-Unis, l’ambassadeur allemand avait promis au gouvernement français que ses attachés s’abstiendraient désormais de semblables pratiques. Il crut qu’Esterhazy était un agent envoyé par Sandherr pour le tromper ou l’éprouver. Et il le lui dit : qu’il n’était pas d’humeur à risquer sa situation pour un individu qui était, sans doute, un provocateur et peut-être n’était même pas officier ; au surplus, Esterhazy n’avait qu’à s’aboucher avec Schmettau, l’attaché militaire allemand à Bruxelles.

Esterhazy refusa cette combinaison, plus sûre pour Schwarzkoppen, mais trop dangereuse pour lui. On se sépara, cette fois, sans conclure[1].

Peu après, il revint à la charge. Schwarzkoppen, qui cherchait alors à s’informer des projets, en cours d’étude, sur la transformation de l’artillerie, lui proposa nettement le marché : « Apportez-moi les renseignements qui me sont demandés, et je vous prends à mon service. »

Il ne s’attendait pas à le revoir. À son étonnement. Esterhazy revint, au bout de quelques jours, à l’ambassade et lui remit des notes très complètes sur les dernières séances du comité d’artillerie, un résumé, qui lui parut authentique, des procès-verbaux. Schwarzkoppen lui

  1. Renseignements inédits.