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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


avait, à deux pas de Paris, une situation vacante « qui ferait très bien son affaire[1] », — le commandement de l’École de gymnastique et d’escrime à Joinville, — il la fit demander par Saussier. L’emploi étant déjà promis, Freycinet en exprima ses regrets au gouverneur de Paris[2]. « En compensation », il offrait à Esterhazy la place de major au 74e de ligne à Rouen, « avec promesse d’une place de chef de bataillon à Paris, après une année de majorat ». Esterhazy, sceptique aux promesses, grogna encore, mais Saussier le rassura : « Le général, lui écrit un de ses aides de camp[3], me charge de vous dire que vous pouvez compter sur lui ; au jour voulu, il exigera absolument[4] votre nomination à Paris. Acceptez donc, sans crainte, et, par la suite, comptez sur notre grand chef. » L’engagement était formel ; le général Gallimard le confirma dans une lettre particulière à Esterhazy[5] ; Rouen, d’ailleurs, est à deux heures de Paris.

Freycinet, parce qu’il avait obligé le protégé de Drumont et de Morès, se flatta qu’ils l’épargneraient dans le feu de leurs attaques. Les polémiques, au contraire, éclatèrent, d’une féroce violence. Il fit alors, ou laissa réclamer, par le chef de son secrétariat, l’intervention

  1. « Maurice Weil, celui qui est fort bien avec le Gouverneur, m’écrit pour me dire qu’il y a une place, etc… Weil m’offre d’en parler au Gouverneur. » (Lettre à X…, octobre 1892.)
  2. Lettre du capitaine E…, officier d’ordonnance du général Saussier, à Esterhazy : « Le Gouverneur me charge d’avoir l’honneur de vous faire connaître qu’il a reçu ce matin (17 décembre) la visite de M. le général directeur de l’Infanterie, envoyé par le ministre pour lui dire ce qui suit : le ministre ne peut vous nommer à Joinville, parce qu’il a pris des engagements antérieurs avec R…, l’ambassadeur, en faveur d’un frère de ce dernier. Mais il vous offre en compensation… etc. »
  3. Du 20 décembre 1892.
  4. Souligné dans l’original.
  5. Du 22 décembre.