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LA COLLUSION


mait contre lui la convocation tantôt de la Haute-Cour de justice, tantôt d’une grande assemblée populaire pour le flétrir. « Que le nom de cet homme devienne un sujet d’opprobre et la conscience publique sera vengée[1]. » Et les amis, les meilleurs, de Scheurer, s’énervaient avec l’opinion, s’irritaient, ne comprenaient plus rien. Lui, il restait calme, fidèle au pacte de silence qu’il avait consenti[2]. Selon le mot admirable de Gœthe à Kestner (l’aïeul de sa femme), il sait « qu’avec un peu de patience, il verra disparaître tout cela comme un brouillard devant un vent pur du Nord[3] ».

On en était là, dans cette impasse, quand le hasard, enfin, s’en mêla.

XXIV

À la demande de Scheurer, Bernard Lazare avait retardé la publication de son nouveau mémoire et des expertises qui l’accompagnaient. Le volume parut enfin, dans les premiers jours de novembre. Quelques journaux le discutèrent. Cette question d’écritures amusait le public. Mathieu fit mettre en vente des fac-similés du bordereau et de l’écriture de son frère. Quiconque prendra la peine de les étudier constatera la dissemblance profonde des deux écritures, sous une similitude appa-

  1. Patrie du 12 novembre.
  2. « Je suis fermement résolu à garder le silence. Il est inutile de m’interroger : je ne dirai rien. » (Temps du 4 novembre.)
  3. Correspondance de Gœthe et de Kestner, lettre du 21 novembre 1774.