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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Blanche[1] ». Georges est le prénom de Picquart, Blanche celui de la comtesse de Comminges. Elle n’avait pas cessé de correspondre avec Picquart ; elle connaissait donc ses déplacements. L’un des faussaires ordinaires d’Henry avait imité son écriture[2], sur quelque lettre d’elle saisie à la poste ou volée. Faux grossier, d’ailleurs : le confident d’un crime n’avertit pas en ces termes, en clair, l’auteur du crime que tout est découvert[3].

Ordre ayant été donné précédemment de saisir les télégrammes à l’adresse de Picquart, ces deux dépêches n’ont été fabriquées que pour être interceptées. En effet, elles furent, le lendemain, communiquées, en

    de Lauth, de Junck et de Gribelin. Il n’en avait parlé à personne, ni à Mlle de Comminges, ni à Leblois. Esterhazy raconta à Pellieux (Cass., II, 94) et à Ravary que la « dame voilée » lui avait révélé l’existence du petit bleu. — Pour Du Paty, il connut seulement le texte du petit bleu le 19 novembre et il l’établit à l’instruction Tavernier (25 juillet 1899).

  1. La dépêche (n° 40.998) fut expédiée à 10 heures et demie du soir, ainsi que cela a été vérifié, et non le matin, comme cela est imprimé par erreur aux pièces annexes de la Cour de cassation (II, 262). — Christian dépose qu’il tient d’Esterhazy et de la fille Pays que le second télégramme a été expédié à l’adresse exacte de Picquart « pour qu’aucune confusion ne fût possible » (Cass., II, 239).
  2. Enq. Pellieux, 30 nov. 1897 ; Instr. Ravary, 29 déc. 1897, Picquart : « Cela a l’air d’une écriture d’homme, mais le c de colonel est pareil aux c de Mlle de Comminges. »
  3. Cass., I, 345, Cuignet : « Les amis de Picquart n’auraient pas été assez naïfs pour lui adresser en clair des télégrammes de cette nature, alors surtout qu’ils avaient, avec lui, un moyen de correspondre en style convenu. » — À l’enquête Pellieux (28 nov.), Henry, dit « qu’il n’a aucune indication sur la dépêche Blanche. » — À l’instruction Ravary (10 déc), il dépose : « Cette dépêche émanait d’une dame Blanche de Comminges, demeurant à Paris, 189, rue de l’Université. La direction de la Sûreté nous en a informés. » Esterhazy dit qu’il ne connaît pas Mlle de Comminges, « parce qu’il ne fréquente pas dans le demi-monde ».