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LA COLLUSION


ministre. Esterhazy répondit qu’il le ferait, mais à son heure[1].

Ainsi, Saussier lui-même glissa dans la collusion.

XX

Pour la première fois, au Conseil des ministres du 9 novembre, il fut question, pendant quelques minutes ? de l’affaire Dreyfus.

Méline, brièvement, rapporta dans quelles circonstances il avait promis à Castelin de faire connaître la pensée du gouvernement par une note officielle. Barthou l’avait préparée d’avance ; il y avait inséré la formule exigée : que « Dreyfus a été régulièrement et justement condamné ».

Darlan objecta qu’il pouvait être saisi de deux sortes de requêtes : en annulation, en revision ; il en sera le premier juge ; dès lors, il ne saurait déclarer, d’avance, que Dreyfus a été « régulièrement » condamné.

Félix Faure intervint durement : « Vous devriez être le dernier, vous, garde des Sceaux, à ne pas prêcher le respect de la chose jugée. »

Il sait que Dreyfus a été condamné, en violation de la loi, sur des pièces secrètes ; mais Esterhazy a réclamé « une déclaration nette et précise ».

Méline, lui aussi, connaissait la forfaiture[2], et, de même. Billot, Hanotaux, Lebon. Tous quatre se turent, Hanotaux après un instant d’hésitation, comme s’il eût eu la fugitive pensée de libérer sa conscience.

  1. Cass., II, 96, Enq. Pellieux ; 260, Enq. Bertulus, Esterhazy.
  2. Il connaissait aussi le faux d’Henry. (Voir p. 650.)