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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


bureaux de son frère, il rencontra Esterhazy, qui le guettait, le félicita de son initiative et « lui offrit avec insistance d’être son témoin ». L’autre témoin fut le capitaine Devanlay ; Esterhazy lui fit la leçon. Drumont constitua Morès et le colonel (en retraite) de Brémond d’Ars. Une rencontre fut décidée.

Dès la première reprise[1], où Crémieu fut fouetté d’un coup d’épée à l’aine et son adversaire effleuré à l’œil gauche, le médecin de Drumont intervint[2]. C’était contraire au procès-verbal, qui stipulait que « les médecins n’interviendraient que sur la demande des combattants[3]». Mais les témoins arrêtèrent le combat.

Les blessures étaient si légères, que, le soir même, l’officier rentra à son régiment et Drumont à son journal. Le lendemain, Pradel de Lamase écrivit à Crémieu qu’en ne lui demandant pas raison d’articles qui portaient sa signature, il l’avait offensé. De quoi Lamase exigeait réparation[4].

La prétention était tardive. De plus, Morès avait déclaré aux témoins de Crémieu que « Lamase n’était pas l’auteur des articles, que c’était un officier de l’armée active, désireux de garder l’anonyme[5] ».

  1. Le duel eut lieu, à l’épée, le 1er juin 1892, à Saint-Germain.
  2. « À la suite de l’intervention du Dr Fauquelin, les témoins ont dû arrêter le combat. » (Procès-verbal de rencontre, dans la Libre Parole du 2 juin.)
  3. Procès-verbal du 31 mai, réglant les conditions de la rencontre. (Libre Parole du 2 juin.)
  4. Le texte de cette lettre a été publié dans la Libre Parole du 30 août 1892.
  5. Procès-verbal de rencontre entre Crémieu-Foa et Lamase : « M. de Lamase reconnaît qu’il a signé lesdits articles sans en être l’auteur, l’auteur de l’article étant un officier de l’armée active qui désire garder l’anonyme. » — Au procès Morès, le président Delegorgue demande à l’accusé de déclarer, sur sa parole d’honneur, si cet officier existe ; Morès répond affirmativement (Droit du 30 août 1892.)