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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


pas se presser de partir, et, en aucun cas, de n’aller plus loin que Gabès[1].

Ce fut Henry lui-même qui mit Esterhazy au fait : « Tous ces gens-là, lui dit-il, ne marchent pas. Méline et Billot et tout le gouvernement sont pris par l’approche des élections, effrayés par Scheurer-Kestner et Reinach… Si on ne leur met pas la baïonnette au derrière, ils sacrifieraient toute l’armée française. » Il lui expliqua alors son plan. « Sabre à la main ! nous allons charger[2]. »

Puis, Du Paty remit à Esterhazy le canevas d’une lettre à adresser d’urgence au Président de la République, « qui est le père de tous les Français » ; cela valait mieux que d’avoir recours à l’Empereur Guillaume[3]. Esterhazy prétend avoir objecté au texte qui

  1. Procès Zola, I, 379, Picquart : « Le général Leclerc me parla du prétexte pour lequel je devais aller sur la frontière et qui était je ne sais quoi, — quelques cavaliers qu’on y exerçait, — et il me dit : « Cela n’existe plus, cela vient d’être démenti ; tout cela ne tient pas debout, et je ne veux pas que vous alliez plus loin que Gabès. « — De même, Cass., I, 197 ; Rennes, I, 461. — Cass., I, 254, Gonse : « Le général Leclerc écrivit au ministre que tout était calme sur la frontière, qu’il faisait partir Picquart pour Gabès. » — Boisdeffre dit seulement « qu’il a été tenu au courant des lettres successives que Gonse écrivit au sujet des missions de Picquart en Tunisie ». (Cass., I, 264.)
  2. Cass., I, 582, Esterhazy.
  3. Ibid. ; Dép. à Londres, 22 février 1900, Esterhazy. — Après quelque hésitation, Du Paty est convenu qu’il communiqua à Esterhazy le canevas de cette lettre, mais ce projet, dit-il, « ne contenait pas toutes ces paroles ». (Cass., I, 451 ; II, 177, 185, 192, 193, conseil d’enquête d’Esterhazy.) La lettre originale d’Esterhazy à Félix Faure lui fut montrée plus tard ; il la trouva « charentonnesque » et en fit l’observation à Esterhazy. (II, 178.) Pour les deux autres lettres, Du Paty en a reçu communication, quand elles ont été transmises par Félix Faure au ministère de la Guerre ; il ne les a pas inspirées (I, 451, 452 ; II, 193). Il en a, dit-il, blâmé la rédaction ; pourtant, il a connu la menace de s’adresser à l’Empereur d’Allemagne (II, 178). Il tient d’Esterhazy que ces lettres lui auraient été dictées (192).