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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


hazy lui-même, qu’Henry lui adressait des communications chiffrées[1].

Plus tard encore, au soir, Esterhazy conféra de l’audience du lendemain avec Henry, qui l’attendait à sa porte, dissimulé dans une voiture[2]. Henry lui fit répéter son rôle.

X

C’était, depuis longtemps, la préoccupation de Gonse et de Boisdeffre : comment défendre Esterhazy quand il sera publiquement accusé, quand il suffira de rapprocher du bordereau l’écriture de leur protégé pour que l’évidence du crime apparaisse aux yeux non prévenus ?

Le système auquel on s’arrêta est peut-être le résultat d’une collaboration ; il est, plus vraisemblablement, l’œuvre d’Henry. On y reconnaît ses grosses malices, rudimentaires, et la vulgarité puérile de ses inventions. Il est peuple ; il sait avec quelle facilité le peuple se prend aux gros mensonges. Grand lecteur du Petit Journal, que dirige son ami Judet, il est imbu de la même littérature que les deux à trois millions de lecteurs de ces feuilletons romanesques qui, avec les comptes rendus détaillés des grands procès criminels, ont fait autant que l’alcool pour gâter l’esprit français. Il leur servira une tranche de leur pâture habituelle. Ils l’avaleront et la digéreront comme le reste. Que comp-

  1. Cass., II, 35, Du Paty.
  2. Ibid., I, 580, Esterhazy.