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LA COLLUSION


avec effroi son écriture[1]. Il s’écria que c’était des faux. Son visiteur en convint ; imiter les écritures n’est pour lui qu’un jeu ; il a fabriqué, notamment, une fausse lettre de Panizzardi à Schwarzkoppen où Dreyfus est nommé. Puis, ayant salué, il se retira[2].

Schwarzkoppen raconta cette autre aventure à Panizzardi ; l’Italien rapporta tout à son ambassadeur ; le comte Tornielli informa son gouvernement[3]. Panizzardi avait fait photographier plusieurs lettres d’Esterhazy à Schwarzkoppen qui servirent à des comparaisons d’écriture.

À Paris, dans toutes les ambassades et légations, le brusque rappel de l’attaché allemand fut considéré comme l’indice certain de graves événements.

IX

Maintenant Du Paty est tout entier à sa nouvelle mission. Il a quitté son service régulier et Gonse l’a pris, explique le général, « comme auxiliaire », « parce qu’il a été mêlé déjà à l’affaire Dreyfus », pour profiter de son expérience et « pour copier les pièces dont le ministre veut avoir le double[4] ». (Quelles pièces ? Le dossier

  1. Cass., I, 467, Trarieux : « L’attaché allemand, m’a dit le comte Tornielli, sait qu’il a existé un agent qui imitait avec beaucoup d’habileté son écriture ; c’était Lemercier-Picard. » À Rennes (I, 283), Roget nie audacieusement que Lemercier ait jamais été au service de l’État-Major.
  2. Renseignements inédits. — Cette histoire fut contée, dès le 16 avril 1898, à Mathieu Dreyfus par un Italien, N… R…, qui fréquentait à l’ambassade d’Italie.
  3. Le comte Tornielli raconta la visite d’Esterhazy chez Schwarzkoppen à Scheurer, à Trarieux (Cass., I, 466), à moi-même ; Panizzardi la raconta à Casella (Procès Zola, II, 520.
  4. Cass., I, 559, Boisdeffre ; I, 567 ; Rennes, II, 158, Gonse.