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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


tère[1]. Et, tranquillement, Esterhazy retourna à l’ambassade d’Allemagne[2], après avoir passé chez une fleuriste.

Schwarzkoppen l’avait attendu, fort troublé. Esterhazy, tout à fait ragaillardi, une rose à la boutonnière, lui conta son entrevue avec deux officiers, « délégués du ministère de la Guerre ». Ces officiers lui ont promis le concours du gouvernement, « qui ne laissera pas faire les amis de Dreyfus ». L’un d’eux est un major. Ils lui ont remis un document qui lui permettra de se défendre contre toute accusation.

Esterhazy recommanda à l’attaché de dire, à l’occasion, qu’ils s’étaient connus à Carlsbad. Puis tous deux sortirent ensemble ; l’Allemand le mit en voiture[3].

Boisdeffre et Gonse ont-ils connu l’entrevue de Montsouris ? Gribelin, familier d’Henry, le crut ; Du Paty l’affirme ; les grands chefs le nient[4]. L’évidence, c’est

  1. Cass., I, 435 ; Rennes, I, 600, Gribelin.
  2. Cass., II, 192, Du Paty.
  3. Esterhazy (Dép. à Londres, 5 mars). — Cette seconde visite a été également racontée par Schwarzkoppen à Panizzardi.
  4. Boisdeffre, sous serment, dépose qu’il ne connut la démarche de Du Paty (il ne parle pas d’Henry) auprès d’Esterhazy « que bien après le procès Zola ». (Cass., I, 558.) Il ne les apprit, dit-il, « qu’imparfaitement, par suite d’absence ou de maladie ». Et, chose extraordinaire, il n’en aurait pas informé Gonse, qui atteste n’avoir connu l’entrevue de Montsouris qu’au mois de juillet 1898, par Henry, quand Du Paty en avait déjà parlé à Cavaignac. Celui-ci voulut interroger aussi Gribelin, qui, avant de se rendre chez le ministre, dit à Henry : « Du reste, le général Gonse doit le savoir. » Sur quoi, Henry aurait détrompé Gribelin et rendu compte à Gonse (I, 566). À Rennes (II, 157), Gonse fait un récit un peu différent ; il aurait assisté à la conversation entre Gribelin et Henry, Du Paty dit et répète formellement « que ses relations avec Esterhazy ont été provoquées, connues, utilisées par les chefs, notamment par le général Gonse » (Cass., I, 444» 449 ; II, 32, 35) ; « Moi vivant, m’a dit ce général, vous ne serez jamais sacrifié. » (II, 179.) Au conseil d’enquête d’Esterhazy, en réponse à cette question