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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


dégradation, quand il a comparu devant Casimir-Perier, l’officier de la garde républicaine ne lui a pas dit un seul mot des prétendus aveux de Dreyfus qu’un commandant inconnu avait racontés, la veille, à un rédacteur de la Libre Parole[1]. Dans son rapport de service, il n’a signalé aucun incident. Aujourd’hui, devant Gonse et Henry, Lebrun-Renault déclare « que, le 5 janvier 1895, Dreyfus lui a fait l’aveu suivant : « Je suis innocent ; dans trois ans, mon innocence sera prouvée ; le ministre sait que, si j’ai livré des documents sans importance, c’était pour en obtenir de sérieux des Allemands. »

Il y avait, en effet, près de trois ans que Dreyfus avait répondu par un hautain refus à Du Paty, quand celui-ci, par ordre de Mercier, le visita dans sa cellule et lui promit, en échange d’un aveu d’amorçage, que sa peine serait atténuée.

De la visite de Du Paty à Dreyfus et du récit que le condamné en a fait à l’officier qui le gardait[2], pas un

    qu’il prétend avoir écrite, le 6 janvier 1895, à Boisdeffre au sujet du récit que Lebrun-Renaud lui aurait fait ce jour-là. — Pourquoi n’en avait-il pas parlé à Picquart pour lui démontrer la culpabilité de Dreyfus ? — J’ai établi précédemment (tome Ier, 631) que cette lettre a été fabriquée par Gonse en 1898. — Lebrun-Renaud dépose : « En octobre 1897, quand la campagne en faveur de la revision du procès Dreyfus commença, — elle n’avait pas encore commencé, — le général Gonse me fit appeler et me demanda de lui donner par écrit la déclaration que je lui avais faite verbalement, le 6 janvier 1895. » (Cass., I, 276.) — Gonse, à Rennes (I, 550), dit qu’il fut étonné d’apprendre, de Lebrun-Renaud, ce silence à l’égard du chef de l’État : l’officier lui expliqua alors qu’il avait été « interloqué, décontenancé », parce que, dans le salon d’attente, il avait entendu « une conversation où on le traitait fort mal ». Lebrun-Renaud confirme ce récit (III, 81), dont il n’avait pas soufflé mot devant la Cour de cassation.

  1. Voir t. Ier, 514 et suiv.
  2. Voir t. Ier, 496.