Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 2.djvu/567

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
557
SCHEURER-KESTNER


dis visite pour l’entretenir d’une question relative à la défense des Alpes, il me demanda mes pronostics sur la prochaine session parlementaire. Devinant le piège, je répondis par des banalités. Le 28 septembre, le contrôleur général en retraite Martinie se rendit chez le beau-père de Dreyfus. Il lui dit, ainsi qu’à Mathieu, que Billot, homme « bon, juste et loyal », étranger entièrement au procès de 1894, dès lors libre de ses mouvements, n’a qu’un désir, de savoir la vérité ; de quels éléments dispose Scheurer ? Martinie, au nom du ministre, mais à titre officieux (non officiel), vient s’en enquérir. Si Dreyfus est innocent, la responsabilité de deux généraux, Mercier et un autre, est terriblement engagée.

Mathieu répondit qu’il ignorait sur quelles preuves reposait la conviction de Scheurer. La démarche de ce visiteur était si surprenante qu’il supposa quelque fourberie : un intrigant quelconque, un agent, a, pour venir à lui, pris le nom de cet officier général. Il dit, en conséquence, qu’il avait lui-même quelques indications importantes, mais il ne les communiquerait à son interlocuteur que si celui-ci lui donnait rendez-vous à son propre domicile.

Martinie y consentit et, le lendemain, Mathieu se rendit à l’adresse indiquée, demanda à voir l’ancien contrôleur et fut reçu par son visiteur de la veille. Mathieu répéta qu’il ne connaissait pas le contenu du dossier de Scheurer ; Martinie lui recommanda le secret le plus absolu[1].

  1. Souvenirs de Mathieu Dreyfus. — Cet incident fut raconté, pour la première fois, dans le Siècle du 5 janvier 1898. Martinie écrivit le même jour au directeur du journal : « Si, au mois de septembre, j’ai eu un entretien avec M. Hadamard, rue de Châteaudun, et avec M. Mathieu Dreyfus, chez moi, c’est tout à fait à titre privé, et le nom du ministre n’a pas été prononcé, non plus que le nom d’aucun général. » — Ainsi, cet