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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Je montrai également au ministre la dernière lettre de Scheurer :

Je continue ma campagne de propagande ; la ville de Mulhouse en est fort agitée. Le général Billot m’a fait sonder avec l’habileté d’un militaire… Il faut continuer à faire avertir Dreyfus que quelqu’un s’occupe de lui. Si, contre toute vraisemblance, on retenait les lettres dans lesquelles on lui annonce mon intervention, je lui écrirais moi-même. Il faut que justice soit faite. Et justice sera faite ou j’y périrai[1].

Ces dernières lignes, cette promesse solennelle, et qui fut tenue, frappèrent vivement le ministre. Il me dit que, dès son retour à Paris, il s’enquerrait de l’affaire et qu’il m’autorisait à lui faire adresser par Demange une note détaillée sur le procès de 1894.

Mais la bonne volonté de Darlan fut aussitôt paralysée. Au premier mot qu’il dit à Félix Faure de mes confidences, celui-ci l’invita brusquement à ne pas aborder ce sujet. Méline ne lui fit pas meilleur accueil : il sait ce qui se passe et ne s’en inquiète pas.

XIX

Rentré à Paris, je fis une autre démarche.

En communiquant à Scheurer la lettre de Dreyfus que j’avais montrée à Darlan, je lui en avais fait observer la profonde tristesse, comme d’une voix qui serait déjà d’outre-tombe. Scheurer me pria d’aller, de sa part, chez le ministre des Colonies ; à sa demande, il en était certain,

  1. De Thann, 7 septembre.