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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

C’est dans cet enclos qu’il se promènera en plein soleil ; et les gardiens y tournent sans cesse autour de lui. Leur nombre fut successivement élevé à quatorze, et leur armement complété par un fusil et une ceinture garnie de cartouches[1].

La description de cette prison fut communiquée aux journaux pour les rassurer : « C’est en somme, une sorte de grande cage, à ciel ouvert, où le condamné est désormais et à tout jamais enfermé[2]. » Rochefort, gaîment, commenta l’information[3].

La case-caserne des gardiens était adossée à la prison ; elle était ornée d’une tour d’observation, de dix mètres de haut, avec une plate-forme couverte, d’où, jour et nuit, une vigie observait la mer. Un canon Hotchkiss, toujours chargé, y avait été hissé.

La construction de cette « résidence » et de ses annexes coûta 60.000 francs. L’humidité y était extrême[4]. Au moment des grandes pluies, le sol était une mare. Les bêtes y pullulaient[5].

Et, de jour en jour, le régime, sous Deniel, fut plus rigoureux[6]. L’exercice prolongé de la tyrannie devient

  1. Cinq Années, 92.
  2. Dépêche coloniale du 26 septembre 1897.
  3. Intransigeant du 28.
  4. Rapport de Deniel du 10 décembre 1897.
  5. Cinq Années, 274.
  6. La consigne générale de la déportation fut affichée dans la case ; en voici quelques extraits : « Art. 24 : Le déporté doit remettre au surveillant-chef toutes les lettres et écrits rédigés par lui. — Art. 27 : Au jour, les portes du déporté sont ouvertes et, jusqu’à la nuit, il a la faculté de circuler dans l’enceinte palissadée. Toute communication avec l’extérieur lui est interdite. Dans le cas où, contrairement aux dispositions de l’article 4, les éventualités du service nécessiteraient, dans l’île, la présence de surveillants ou de transportés autres que ceux du service ordinaire, le déporté serait enfermé dans sa case jusqu’au départ des corvées temporaires. »