sée de cette conception. À chacune de ses tentatives en faveur de Dreyfus, il a été frappé sans nul profit pour le malheureux[1]. S’il s’obstine, n’en sera-t-il pas de même ?… Oui, certes, il en sera ainsi jusqu’au triomphe final. Un autre sentiment, moins égoïste, le retenait : le respect de la discipline militaire. En confiant cette histoire, même à un avocat, sous le sceau du secret, dans le seul intérêt de sa propre défense, n’a-t-il pas, déjà, manqué à la règle étroite ? Très scrupuleux, un peu casuiste, il a fait deux parts entre les incidents qui lui sont advenus, les faits qui sont venus à sa connaissance à l’État-Major : ceux qu’il croit pouvoir révéler sans inconvénient, pense-t-il, pour la chose publique ; ceux qu’il juge « particulièrement secrets » et dont il se tait[2].
Cette lutte se poursuivit entre Picquart et Leblois pendant plusieurs séances. Picquart ne fit son récit que par lambeaux[3]. Tous les soirs, pendant son séjour à Paris (21-29 juin), le colonel et l’avocat discutèrent, Leblois, d’heure en heure plus pressant, plus curieux de détails, plus passionné pour cette grande cause qu’il avait l’ambition de faire sienne ; Picquart perplexe, tourmenté de doute, sans boussole.
Ces visites de Picquart à Leblois furent connues d’Henry, qui s’en inquiéta et en informa Esterhazy[4].
Enfin, comme son congé expirait, Picquart donna à l’avocat un mandat général de défense, s’en remettant à lui, à son amitié, à son expérience[5]. Il l’autorisait, le cas
- ↑ Instr. Fabre, 147, Picquart.
- ↑ Ibid., 82 ; Cass., I, 197, Picquart.
- ↑ Enq. Pellieux, 30 nov. 1897, Picquart.
- ↑ Cass., II, 225, Esterhazy (Enq. Bertulus).
- ↑ Ibid., II, 166 ; Procès Zola, I, 290 ; Instr. Fabre, 175, 176, 192 ; Cass., I, 197, Picquart. — Cass., II, 159 ; Instr. Fabre, 183, 195, 200, Leblois : « J’ai bien été l’avocat du colonel Picquart ;