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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


lui commandait de se renseigner auprès des professionnels.

Il avait déjà entretenu de ses recherches deux de ses collègues du Sénat, Bérenger, qui resta sur la réserve, bien que la procédure suivie en 1894 lui parût suspecte, et Trarieux, qui témoigna, au contraire, d’un vif empressement, car, à lui aussi, pesait la crainte d’une erreur[1]. L’ancien ministre s’était ouvert récemment de ses inquiétudes à l’un des experts de 1894, Teyssonnières, qu’il avait obligé et qui en était encore reconnaissant[2]. Teyssonnières lui communiqua son dossier, essaya de lui démontrer, pièces en mains, que le bordereau était de l’écriture déguisée de Dreyfus. Mais Trarieux contesta, avec beaucoup de force, cette hypothèse : l’écriture est ou n’est pas celle de Dreyfus, mais ce n’est pas une écriture déguisée ; le traître, s’il eût songé à un déguisement, ne se fût pas borné à mettre un voile transparent ; il se serait masqué[3].

Comme Scheurer jugerait plus scientifique de ne pas s’adresser aux experts qui s’étaient prononcés en faveur de Dreyfus, il pria Trarieux de lui envoyer Teyssonnières[4].

L’expert accourut chez le vice-président du Sénat[5] et vida aussitôt son dossier, qui comprenait la photographie du bordereau[6], diverses lettres de Dreyfus et

  1. Procès Zola, I, 176 ; Rennes, III, 412, Trarieux.
  2. Procès Zola, I, 444, Teyssonnières ; I, 463, Trarieux.
  3. Procès Zola, I, 177, 465 ; II, 35 ; Rennes, III, 414, 415, Trarieux. — Le 2 janvier 1897, Teyssonnières écrivit à Trarieux : « Il m’a semblé que vous n’étiez pas entièrement convaincu de la culpabilité du traître qui m’a occasionné tant d’amertumes. »
  4. Trarieux manda Teyssonnières par une lettre qui fut produite au procès Zola (II, 27).
  5. Le 20 juin 1897. (Procès Zola, I, 447, Teyssonnières ; II, 22, Scheurer.)
  6. Procès Esterhazy, 153, Scheurer.