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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


de bataillon, officier de la Légion d’honneur (qui, par parenthèse, ne sait pas un mot d’allemand, d’italien ou d’anglais), qui emploie les fonds destinés à autre chose, à faire le métier de mouchard et à faire surveiller, par des agents louches de vingtième catégorie, ses camarades… On est terrifié de penser que la réputation, l’avenir, les intérêts des bons officiers sont à la merci des délations, sans appel, d’un homme dont l’abject métier devrait être, avant tout, sujet à défiance, d’un homme qui colle ses épaulettes d’officier sur la défroque d’un argousin, et on a le droit d’être écœuré et révolté quand, comme moi, on a obligé cet homme et qu’on sait aujourd’hui ce qu’il vaut.

Le commandant Henry, en effet, est mon débiteur depuis 1876 ; je lui ai prêté quelque argent qu’il ne m’a jamais rendu, qu’il me doit encore. Cela explique bien des choses[1].

Et de même, à Grenier, avec plus de violence encore et une menace plus caractérisée contre Henry, pour qu’elle lui soit rapportée :

Quand, pour me perdre et m’achever, le ministre de la Guerre abandonne l’officier, pour chercher dans ma vie privée, et écoute les calomnies intéressées d’un drôle quelconque en épaulettes, et vraisemblablement du sieur Henry, mon débiteur et mon obligé, j’avoue qu’il est hors de mes forces de supporter ce traitement. Si le ministre se refuse à m’entendre et à me mettre à même de lui prouver qu’il a été trompé et qu’il me cause, en acceptant toutes ces calomnies, un préjudice énorme, je dirai quelles accusations ont été portées contre moi, que j’ai demandé à être entendu et que je n’ai pu l’être. Je me demande sous quelle forme présenter cela, par la presse ou le livre[2] ?

  1. Cass., I, 709, lettre à Jules Roche (sans date).
  2. Rennes, II, 6, lettre à Grenier, du 16 février 1897.