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SCHEURER-KESTNER


sont dans la consternation ; votre malheureux départ a tout dérangé. Hâtez votre retour ici, hâtez-le vite… vite ! Le moment des fêtes étant très favorable pour la cause, nous comptons sur vous pour le 20. Elle est prête, mais elle ne peut et ne veut agir qu’après vous avoir causé. Le demi-dieu ayant parlé, on agira[1].

Sur l’enveloppe : « Pressée, faire suivre. »

Le faux était stupide ; il eût été plus stupide encore d’envoyer à Picquart la lettre recachetée[2]. Henry s’en garda bien, ce qui suffit à prouver qu’il ne s’était pas mépris sur la pensée de Ducasse. Mais il classa dans le dossier de Picquart, qu’il commençait à nourrir, la copie de la lettre de Ducasse et cette lettre de « Speranza », avec l’enveloppe, pour les en sortir au bon moment.

Il y avait précédemment inséré le rapport de Guénée sur les manœuvres de Picquart et un second rapport du même, plus récent[3]. Guénée y nommait enfin « le vieil ami » qui avait conseillé le colonel ; c’était l’avocat Louis Leblois, « fils d’un ancien pasteur ; il va fréquemment, avec sa femme, en Allemagne, à Strasbourg ; dans le quartier, on l’a surnommé l’Allemand… C’est un homme aigri, haineux, ergotant sur tout, à la figure de chafouin, au regard oblique et méchant, qui s’occupe de spiritisme et qui, s’il n’était pas fortuné, serait un ennemi de la société[4]. »

  1. Cass., II, 267, Texte communiqué par le ministre de la Guerre.
  2. Picquart ne la connut que le 27 novembre 1897, à l’enquête Pellieux : « D. Je vous présente une lettre qui vous a été adressée, le 15 décembre 1896, au ministère de la Guerre, portant l’indication : pressée, faire suivre. Cette lettre a été saisie ; je vous en donne connaissance. » — Esterhazy, à l’enquête Bertulus, déclare qu’il a été absolument étranger à la confection de cette lettre. (II, 244.)
  3. Du 21 novembre 1896.
  4. Rapport du 21 novembre 1896 (Dossier Tavernier).