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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Midi, lui demanda sa démission. Forzinetti la donna[1] ; mais Billot, sans l’accepter ni la refuser, maintint le vieux soldat à son poste. L’incident eût fait du bruit, et le bruit ne fait pas de bien.

La sagesse commandait de faire le silence sur l’importune tragédie. Ce fut le sentiment de la Chambre comme de Méline. Le Comité des pétitions vota l’ordre du jour sur la requête de Mme Dreyfus. Le rapporteur[2] invoquait le respect de la chose jugée, « considération qui domine tout », la solennelle affirmation de Billot que Dreyfus a été régulièrement condamné[3] et les paroles du président Brisson flétrissant les traîtres.

La presse elle-même se tut. Rochefort, au lendemain de l’interpellation de Castelin, avait publié un inquiétant article. Il avait reproché à Billot, « l’un des plus notables battus de la guerre de 1870 », d’avoir osé dire « que l’honneur de l’armée est au-dessus de toute suspicion », « ce qui est une sottise », et « d’avoir rendu tout à fait obscure une question qui n’a jamais été très claire[4] ». On le fit rentrer dans le rang ; Drumont

  1. Par lettre du 28 novembre 1896. — Gaston Méry, dans la Libre Parole du 8 décembre, y fit allusion. — Forzinetti reçut, à cette époque, diverses lettres (anonymes) de menace.
  2. Loriot, député de l’Eure. Rapport sur la pétition n° 2707 (3 décembre).
  3. « La pétition, écrit Yves Guyot dans le Siècle, s’appuie sur un article de l’Éclair. Il est évident que les allégations d’un journal ne peuvent suffire pour déterminer une commission des pétitions à demander la revision d’un procès. Si on a produit, en dehors de la défense, une pièce sur laquelle aurait été basée la condamnation, c’est là un acte inqualifiable et qui frapperait le jugement de nullité. Mais il faudrait le prouver. »
  4. « L’armée, c’est l’armée, c’est-à-dire un corps spécial et privilégié qui jouit du droit d’exterminer les civils comme les Kurdes massacrent les Arméniens. » (Intransigeant du 20 novembre,)