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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


mandant « de le serrer avec soin », parce que le document avait été mal collé et qu’il était fragile. « Vous nous reviendrez en décembre », lui dit Gonse[1]. Et tous deux, Gonse, Henry, lui serrèrent cordialement la main.

XIII

L’interpellation, dont ces consciences troublées avaient si grand peur, fut réglée en deux heures[2]. L’affaire Dreyfus n’intéressait pas la Chambre. Elle en voulait au député de l’Aisne de la porter à la tribune. Employé des ponts et chaussées en Tunisie, Castelin y avait connu le général Boulanger et, révoqué, s’était attaché à sa fortune. Écrivain incorrect, orateur diffus, il tenait boutique de patriotisme et guettait les scandales. Il était lié avec Henry et fréquentait chez Drumont.

À plusieurs reprises, dans des conversations de couloir, j’avais essayé de faire partager à quelques collègues mes doutes sur la culpabilité de Dreyfus ; ils m’avaient répondu par l’unanime verdict des sept officiers. Que leur objecter, en l’absence de toute preuve matérielle ? Le mémoire de Bernard Lazare n’avait pas eu cinquante lecteurs à la Chambre ; d’ailleurs, il n’apportait, semblait-il, que des allégations, des présomptions. Les ministres, quand on les interrogeait, Méline, Billot, Hanotaux, démentaient tout.

    se souvient pas si Picquart le lui a remis ou si c’est Henry, « peu après le départ de Picquart » ; il le mit alors dans son armoire. Picquart dit qu’il remit le petit bleu à Henry, avec les clefs de son armoire, et il précise les recommandations qu’il lui fit. (Cass., I, 146 ; Rennes, I, 466.)

  1. Rennes, I, 456, Picquart.
  2. Séance du 18 novembre 1896.