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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


par « acquit de conscience», il réclama des pièces de comparaison. Henry joua alors la comédie, qui lui était familière, de rechercher longuement dans ses dossiers l’autre lettre, falsifiée, de Panizzardi[1]. Il finit par la trouver.

Nécessairement, Boisdeffre admira « l’identité d’écriture et de style[2] ». Par la suite, il dira que cette similitude « était trop parfaite[3] » ; mais Henry lui inspirait alors « une confiance absolue[4] ». Il approuva aussi qu’on n’eût pas montré le faux à Picquart.

Pourquoi laisser dans l’erreur l’officier qui dirige encore le service des Renseignements, que le ministre a chargé d’importantes missions ? Pourquoi mettre une telle lumière sous le boisseau ? Boisdeffre allègue la prétendue absence de Picquart[5].

La conviction de Boisdeffre — s’il n’a pas ordonné le faux — fut faite aussi vite et des mêmes éléments que

    pièces, et, quand on n’en a pas, il n’y a pas d’autre système que d’en faire. »

  1. Revision, procès-verbal, 99, Henry : « Je l’ai recherchée quelques jours après avoir remis l’autre au général Gonse ; à ce moment, on ne savait pas où elle était, j’ai dû la rechercher. » — De même, Cass., I, 263, Boisdeffre ; Rennes, II, 217, Roget ; 228, Gonse. — Cette lettre servit également de pièce de comparaison à Cavaignac pour authentiquer le faux Henry.
  2. Cass., I, 263 ; Rennes, I, 526, Boisdeffre.
  3. Rennes, I, 527, Boisdeffre.
  4. Ibid.
  5. Cass., I, 264, Boisdeffre : « Si la pièce ne fut pas communiquée à Picquart, c’est parce qu’à cette époque il n’était déjà plus, en fait, chef du service des Renseignements. » De même à Rennes. (I, 527.) — Gonse a dit le contraire : « À son retour (de sa prétendue absence), Picquart a repris son service. » (Cass., I, 251.) — Boisdeffre ajoute : « Ce fut l’avis du ministre qu’il était préférable de ne plus mêler Picquart, en quoi que ce soit, à l’affaire Dreyfus. » Or Billot, sans montrer la pièce à Picquart, lui en parla ; et Boisdeffre et Gonse étaient à l’affût de cette conversation. (Voir p. 438.) Boisdeffre, d’ailleurs, en convient. Cass., I, 264 ; Rennes, I, 527.)