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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Henry dit à Gonse qu’il n’avait pas montré sa trouvaille à Picquart. Cependant, celui-ci était au bureau ; il y venait, régulièrement, tous les jours ; il y était venu même la veille, 1er novembre, qui est un jour férié, pour conférer avec un officier et un agent. Gonse, lui aussi, va-t-il laisser Picquart dans l’ignorance du document qui renverse tout son système ? Quel triomphe pour Gonse, quelle déconvenue pour Picquart quand le général mettra sous les yeux du présomptueux justicier la preuve éclatante du crime de son client !

Henry, plus méfiant, moins sûr de la déconvenue de ce gêneur, n’eut pas de peine, sans doute, à convaincre Gonse que, dans un intérêt supérieur, auquel il convient de sacrifier les joies les plus légitimes, il valait mieux ne pas avertir cet indiscret[1]. On sera quitte, plus tard, pour dire qu’il était absent[2].

    dat de ses chefs. » (Gaulois du 24 juin 1902.) — Je ne fais qu’indiquer ici les diverses hypothèses ; avant de les discuter, il faut raconter tous les faits.

  1. Selon Cuignet (Cass., I, 341), Henry « insista vivement pour que la pièce restât entre le général et lui, et que le général ne la montrât à personne », Cuignet prétend qu’Henry fabriqua son faux, non pas pour faire marcher Billot, mais pour mettre Gonse, « honnête, loyal, mais hésitant », en garde contre les objurgations de Picquart. Hypothèse que démentent tous les faits. — Gonse convient qu’Henry « insista pour qu’il (Gonse) ne montrât pas la pièce à Picquart ». (Rennes, I, 558.)
  2. Cass., I, 251, Gonse : « Picquart était absent ; il est resté absent, à cette époque, pendant plusieurs jours. — La pièce lui a-t-elle été montrée à son retour ? — Non. Son ordre de mission était signé depuis un jour ou deux. Il n’y avait pas lieu de lui communiquer les affaires nouvelles qui venaient au bureau. » Un conseiller fait observer à Gonse que l’ordre définitif de mission fut donné le 14 novembre par le ministre, quinze jours plus tard. Gonse en convient, mais dit « qu’on avait fait pressentir cette mission à Picquart quelque temps déjà auparavant ». Le conseiller insiste : « On ne le considérait donc plus comme à la tête de son service, puisqu’Henry commu-