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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


XIII

Le lendemain[1], Gonse fit venir Picquart : « Eh bien, lui dit-il, vous continuez avec Esterhazy ? Quelles mesures allez-vous prendre[2] ? »

Aucune allusion à la scène de la veille ; il n’est pas question de Dreyfus ; mais, sous la bonhomie du général, Picquart sentira désormais une tenace rancune[3].

Picquart, depuis la veille, était « fixé[4] » ; il savait que les chefs iraient jusqu’au bout. Pourtant, il n’en fit rien paraître et, déférent, très calme, il rappela à Gonse les termes de sa note du 1er septembre, où il avait conclu à mander Esterhazy au ministère, à l’interroger sur ses relations avec Schwarzkoppen, sur le petit bleu et sur le bordereau. Il renouvela, en conséquence, sa proposition. Gonse la repoussa : « C’est aller trop vite ; on n’est pas assez armé[5]. »

    Cass., I, 167 ; Rennes, I, 440. — Gonse proteste que « Picquart (dans ce récit) lui a fait tenir un langage plus que fantaisiste. Il a fait un véritable roman. Je n’ai jamais tenu les propos qu’il me prête. Je ne l’ai jamais entendu prononcer cette phrase : « Ce que vous dites là… etc. » Je ne lui ai pas parlé en termes méprisants de Dreyfus en lui appliquant l’épithète de juif. Je ne lui ai pas parlé du général Mercier et du général Saussier à propos du procès de 1894. » (Cass., I, 249.)

  1. 16 septembre 1896.
  2. Cass., I, 168 ; Rennes, I, 441 Picquart.
  3. Cass., I, 168, Picquart.
  4. Revision, 114, Picquart.
  5. Rennes, I, 442, Picquart. — Gonse, à Rennes (I, 553), explique « que le petit bleu n’avait pas de valeur, parce qu’il n’avait pas été mis à la poste » et qu’il était « invraisemblable » que Cuers était un agent provocateur qui n’avait pas su dire si le traître était « chef de bataillon d’infanterie ou de génie »; etc.