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LA DOUBLE BOUCLE


entrer au ministère de la guerre, à Rome ; il n’avait pas mission de l’arrêter et se borna à faire son rapport[1] ». On savait que « des documents secrets sur les ouvrages du camp retranché de Nice avaient été en possession de Dreyfus ; que le capitaine, au cours d’un voyage d’État-Major, avait étudié avec soin ces ouvrages, sur lesquels il rédigea un rapport très détaillé[2] ». Mais « on ne crut pas devoir inquiéter » ce parent de Dreyfus, « car la justice militaire, rendue incompétente par l’introduction d’un civil dans l’affaire, aurait dû se dessaisir, et Dreyfus aurait échappé au conseil de guerre pour comparaître devant la cour d’assises ». — Dreyfus resta quinze jours au secret ; « ce n’est que le 1er novembre que le public apprenait, par une note de l’Éclair[3], l’arrestation du traître ». Le général Saussier, ayant reçu de Mercier le dossier, donna immédiatement l’ordre d’informer. — On chercha en vain, dans le code de justice militaire, un article qui permît de condamner le traître à mort : « les auteurs de ce code n’avaient pas prévu un tel forfait et on avait dû avoir recours à l’arsenal des lois civiles pour poursuivre Dreyfus »[4]. Celui-ci, « redevenu maître de lui, persista, au cours des débats, malgré les charges accablantes qui pesaient sur lui, à protester de son innocence ». — « Il est vrai qu’il ignorait et ignore peut-être encore que le ministre de la Guerre possédait la photographie de la lettre échangée entre les attachés militaires allemand et italien, seule pièce où son nom

  1. Mensonge.
  2. C’est l’argument de Gonse, à Rennes, pour appliquer à Dreyfus la pièce Canaille de D… (I, 541.)
  3. Voir p. 375, note 2.
  4. Les articles 205 et 206 du code de justice militaire punissent l’espionnage et la trahison de la peine de mort ; mais ils ont été modifiés par l’article 4 de la Constitution de 1848.


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