Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 2.djvu/354

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
344
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Il écrivit donc à Gonse dans ce sens[1]. Il suivra « scrupuleusement les instructions » du général, mais « son devoir est de l’avertir que de nombreux indices et un fait grave » — c’est cette lettre[2] — « montrent que le moment est proche où des gens qui ont la conviction qu’on s’est trompé à leur égard vont tout tenter et faire un gros scandale ». Il adresse ensuite à la conscience de Gonse, au souci qu’il lui suppose encore de l’honneur et de la justice, à la préoccupation, moins noble, d’éviter de redoutables embarras, ce pressant appel :

Je crois avoir fait le nécessaire pour que l’initiative vienne de nous.

Si l’on perd trop de temps, l’initiative viendra d’ailleurs, ce qui, faisant abstraction de considérations plus élevées, ne nous donnera pas le beau rôle.

Je dois ajouter que ces gens-là ne me paraissent pas informés comme nous et que leur tentative me paraît devoir aboutir à un gâchis, un scandale, un gros bruit, qui n’amènera pas la clarté.

Ce sera une crise fâcheuse, inutile, et que l’on pourrait éviter en faisant justice à temps.

Étrange cerveau de l’homme où la plus haute sagesse cohabite avec l’erreur la plus grossière, qui déduit d’une interprétation absurde des prévisions judicieuses, que trompe un faux inepte et qui lit dans l’avenir comme dans un livre ouvert !

  1. Lettre du 8 septembre.
  2. Plus tard, Gonse dira que « le fait grave, c’était la publication de l’article de l’Éclair du 14 septembre ». (Instr. Fabre, 169, etc.)