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LA DOUBLE BOUCLE


forfaiture de Mercier. Il ne lut que la première des pièces, mais écouta tout l’argument de Picquart, en homme qui, sincèrement, veut savoir la vérité.

Il ne fit aucune objection[1], promit à Picquart de lui donner les moyens d’agir ; au besoin « il fera mettre le grappin sur Esterhazy[2] ». Mais, comme la visite du Tsar à Paris était annoncée pour les premiers jours d’octobre, il dit qu’il fallait patienter, « ne pas faire d’histoires en un tel moment ».

VIII

Billot se croyait à la fois un grand militaire et un grand politique. C’était un troupier madré, sournois, d’esprit délié, mais sans caractère, point méchant, mais sans bonté, trop intelligent pour ne pas donner raison, dans son for intérieur, à Picquart, mais pas assez pour faire sienne, coûte que coûte, la cause qui s’offrait à lui.

  1. Revision, 113, Picquart : « Le général Billot pendant quelque temps crut à l’innocence de Dreyfus et crut à sa culpabilité par le faux Henry. Il a toujours cru à la culpabilité d’Esterhazy pendant que j’étais au ministère. » — Cass., I, 12, Billot : « Je n’ai pas découragé le colonel Picquart, lui disant toutefois qu’il était rare qu’un homme opérât seul, que Dreyfus pouvait avoir des complices, mais que, découvrît-on un coupable dans Esterhazy, ou dans un des deux autres, cela n’innocenterait pas Dreyfus ipso facto. » — De même, I, 550. — Picquart n’a aucun souvenir que Billot lui ait fait part alors de cette hypothèse que Dreyfus et Esterhazy pouvaient être également coupables. — Selon Boisdeffre (Cass., I, 263), le ministre et lui-même auraient dit seulement à Picquart : « Cherchez et trouvez des preuves. »
  2. Testament de Picquart, daté de Sousse, le 2 avril 1897. (Instr. Fabre, 5 et 57, scellé n° 1 bis.). — Voir Appendice III.