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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Weiss[1] ? — était banale ; l’envoyeur racontait à Dreyfus qu’il allait marier sa fille à un Juif de Bâle[2]. Seulement, entre les lignes espacées, il avait écrit trois phrases à l’encre sympathique, mais de façon si grossière, avec une intention si manifeste d’attirer l’œil, qu’on les pouvait lire sans faire chauffer le papier[3]. « Impossible, disait-on, de déchiffrer dernière communication ; reprendre ancien procédé pour répondre. Indiquer avec précision où se trouvaient les documents intéressants et les combinaisons faites pour armoire. Acteur prêt à agir aussitôt. » On a vu qu’une lettre semblable avait été précédemment adressée à Dreyfus, à l’insu de Picquart, par Henry.

Ce nouveau faux commença par tromper tout le

  1. Bertillon a lu « Weyler » et la pièce est connue sous ce nom. Picquart : « C’était un nommé Weill, ou Weyler ou Weiss… » (Rennes, I, 435.) Lebon : « La première version que nous y avons trouvée, c’est « Weirr » ou, tout au plus, à raison d’un paraphe un peu compliqué qui le termine « Weiré. » (Rennes, I, 241.) — Je lis « A. Weiss » avec un point sur l’i. Les deux jambages que Bertillon a lus er font partie du paraphe.
  2. Voici le texte exact de cette pièce : « 31 août 1896, Mon cher Alfred, je tiens à vous annoncer moi-même le prochain mariage de notre chère fille Noémie, qui est fiancée depuis huit jours avec un jeune homme de Bâle, M. Carl Mayer. Il est… de ses défunts parents une très belle fortune qu’il augmente en faisant la commission. Enfin, nous sommes tous très contents. Nous le serions plus encore si nous ne pensions pas à la triste situation où vous êtes. Je ne vous en parle pas, quoique nous voudrions bien que nous pourrions confier au papier ce que nous pensons de vous. Mais je sais que c’est non autorisé. Nous sommes dans l’instant à Paris, et j’espère bien que nous verrons votre chère famille. Au revoir, mon cher Alfred, je vous suis bien attaché toujours. A. Weiss. »
  3. Cass., I, 163, Picquart : « Cette encre sympathique était assez visible, me dit Gribelin, pour que l’on pût lire presque tout sans faire chauffer la lettre ; en tout cas, elle ne pouvait pas échapper à l’examen le plus superficiel. » — De même, Rennes, I, 435. — Cass., I, 343, Cuignet : « En caractères assez apparents pour attirer l’attention. »