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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


s’être vendu au Syndicat juif, ainsi qu’à l’Empereur allemand. C’était un grand homme maigre, très blond, la barbe en éventail, avec des yeux vairons qui ne regardaient jamais en face.

Lebon savait, par les rapports de l’Administration pénitentiaire, que « l’attitude du condamné était parfaitement soumise et résignée[1] ». Il venait d’être informé qu’aucune tentative d’évasion ne s’était produite. Il n’ignorait pas que « Dreyfus était gardé, jour et nuit, dans un isolement complet[2] ». Mais Drumont et Rochefort affirment que la fuite est facile, un jeu d’enfants, l’affaire de quelques pièces d’or. Et Rochefort et Drumont sont des hommes redoutables.

En réponse au démenti du gouverneur de la Guyane, Lebon lui câbla « de maintenir jusqu’à nouvel ordre Dreyfus dans sa case, avec double boucle de nuit, et d’entourer le périmètre de son promenoir, autour de la case, d’une solide palissade avec sentinelle extérieure, en plus de celle du tambour[3] ». D’autres prescriptions suivaient : le stationnement d’une goëlette dans la rade des îles du Salut, l’interdiction absolue de l’accès de l’île du Diable.

Lebon dit « qu’il hésita beaucoup à ordonner la mise aux fers[4] ». Or son câblogramme est du 4 sep-

  1. Rennes, I, 235, Lebon.
  2. Ibid., 240, Lebon.
  3. Ibid., I, 249, Rapport officiel sur le séjour de Dreyfus à l’île du Diable. — Lettre d’André Lebon au Journal des Débats, 12 juillet 1899. — Lebon dit que la mise de Dreyfus aux fers donnait « une garantie de plus » ; « si une tentative d’évasion se produisait, les ordres qui avaient été donnés étaient tels qu’à la moindre alerte, on devait tirer sur le prisonnier ». (Rennes, I, 240.) Or, ces ordres furent maintenus, aggravés par Lebon lui-même. (Consigne du 1er janvier 1897 ; Rennes, I, 251.)
  4. Rennes, I, 240, Lebon.