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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


étonnement passé, on ne tardait pas à découvrir la barre de bâtardise sur son nom et, sous sa divertissante faconde et son élégance de théâtre, la rouerie d’un faux gentilhomme besoigneux. Il se dégoûta du métier en moins d’un an et donna sa démission[1].

Il a raconté lui-même qu’à son retour en France, au printemps de 1870, le général Walsin[2], son oncle, le décida à prendre service dans la légion étrangère. L’Empereur le nomma sous-lieutenant[3] et lui fit remettre trois cents louis pour son équipement. Esterhazy alla les jouer à Bade.

Il y était encore quand la guerre éclata. Il vit les régiments allemands recevoir, dans un silence religieux, la bénédiction des pasteurs, rentra à Paris, assista, sur les boulevards, aux manifestations des braillards qui criaient : À Berlin ! et comprit aussitôt que « nous étions perdus »[4].

Ainsi, le destin, un ensemble de circonstances, les unes vulgaires, les autres tragiques, le ramenaient à cette carrière militaire où sa mère l’avait destiné.

Nommé sous-lieutenant, après le Quatre-Septembre, au titre français, il fit d’abord campagne sur la Loire[5],

  1. Mars 1870 ; il était entré dans la Légion romaine en mai 1869. (Cass., III, 123.)
  2. Depuis 1860, dans le cadre de réserve, mais bien en cour. De son mariage avec une Anglaise, miss Sarah Lee, il n’avait qu’une fille.
  3. La nomination parut au Journal militaire officiel, p. 209 : « N° 160, par décret impérial du 24 juin 1870, Régiment étranger, 2e tour, au titre étranger, en remplacement de M. Martin, décédé, Walsin-Esterhazy (Marie-Charles-Ferdinand), ancien officier au service du Gouvernement pontifical. »
  4. Récit fait à Serge Basset.
  5. Le 29 septembre, au 2e régiment de zouaves. Ce régiment fut formé par le lieutenant-colonel (depuis général) Logerot et prit part à la bataille de Coulmiers. Logerot ayant été nommé colonel au 38e de ligne, le 2e régiment de