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CHAPITRE IV

LA DOUBLE BOUCLE

I

Mathieu Dreyfus cherchait toujours. Le deuxième anniversaire de la catastrophe était proche ; cependant, depuis la conversation de Gibert avec Félix Faure, le jour même où son frère fut embarqué pour l’île du Diable, il n’a pas, malgré ses efforts, son intelligence sans cesse tendue au même but, fait un pas en avant. Il sait, mais sans pouvoir l’établir, que son frère a été condamné, en violation de la loi, sur des pièces secrètes. Il n’a jamais douté de l’innocence du malheureux, mais sa certitude n’est pas une preuve.

Après un second hiver lugubre, un second été s’écoulait, lourd, accablant, dans une surveillance toujours plus étroite. À Paris, à Saint-Cloud, il était suivi partout, espionné par les agents de Picquart, par des domestiques à la solde de la police militaire[1]. Et il

  1. Souvenirs de Mathieu Dreyfus. — Cass., I, 162, Picquart.