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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


était fâcheuse. Billot, en arrivant au ministère, avait diminué de 8.000 francs l’allocation mensuelle du service ; Boisdeffre demanda un crédit supplémentaire, 100.000 francs, pour d’importantes négociations en cours et chargea Picquart d’exposer le cas dans un mémoire ; Billot présenta le mémoire au conseil des ministres, fit voter la somme ; puis, quand il l’eut, il n’alloua que 20.000 francs à la section de statistique, se réservant de disposer du reste. Quand Picquart en informa Boisdeffre, le général se fâcha, dit (ce qui était exact) que la somme tout entière devait revenir au service[1]. Picquart le pria d’intervenir auprès du ministre. « Vous le voyez tous les jours[2], reprit Boisdeffre, c’est votre affaire. »

Selon Lauth, Picquart serait rentré au bureau, « fort dépité de l’accueil froid du chef d’État-Major » et, monologuant, se serait écrié de façon à être entendu des officiers : « C’est trop fort ! Ils ne veulent pas marcher ! Eh bien ! je leur forcerai la main[3] ! » Ce qui s’enten-

  1. Cass., I, 165 ; Rennes, I, 565, Picquart. — Les faits ne sont pas contestés par Billot, qui dit, seulement, que le ministre juge des besoins du service et répartit les fonds secrets avec l’approbation du Président de la République. Billot convient que, sur l’allocation extraordinaire de 100.000 francs, il n’en a remis que 20.000 à Picquart. Mais « il y avait d’autres affaires » et, d’ailleurs, il a remis 40.000 francs à son successeur (Rennes, I, 567).
  2. C’est ce que dit également Gonse (Instr. Tavernier, 1er octobre 1898). — Instr. Ravary, 9 déc ; Cass., I, 165, Picquart : « Presque tous les jours. » — Cass., I, 550, Billot : « Picquart dans les courts instants où je le voyais. »
  3. Enq. Pellieux, 28 nov. 1897, Lauth : « Le jour où le colonel alla voir, à la gare de Lyon, le général de Boisdeffre revenant de Vichy, il s’écria en rentrant au bureau… » À l’instruction Fabre, même déposition : « Je puis préciser… » (30), et encore : « Je maintiens d’une manière formelle et absolue… » (172). De même, Junck : « Quand Picquart est rentré, après son entrevue avec le général de Bois-