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LE PETIT BLEU


Picquart qui l’attendait[1]. « Je crois bien, lui dit Picquart, que nous venons de trouver un nouveau traître[2] ! » Il nomma le commandant Walsin-Esterhazy[3] ; Boisdeffre « n’eut pas l’air » de le connaître, l’appela, quand il eut à le nommer : « Walsin, ce Walsin. » Aucune autre allusion que celle-là ne fut faite à l’affaire Dreyfus : Il y a un nouveau traître[4] ! Boisdeffre écouta avec attention le jeune colonel et, bienveillant, paternel, approuva sa prudente conduite[5]. Nul reproche de ne pas l’avoir averti plus tôt, de n’avoir pas informé Gonse. Picquart émit l’avis qu’il vaudrait mieux ne pas parler encore au sous-chef de l’État-Major[6]. Boisdeffre n’y fit point d’objection. Gonse l’attendait à son hôtel ; il ne lui souffla mot de l’incident. D’autre part, il autorisa Picquart à parler au ministre[7], lui dit de continuer son enquête avec la même discrétion[8]. Il ne parut pas ému de l’incident, puisque rien n’en avait transpiré ; sa nonchalance avait horreur du scandale, de tout bruit inutile.

Picquart, dans la conversation qui se prolongea, l’entretint des autres affaires du bureau. L’une d’elles

  1. Instr. Fabre, 59, Boisdeffre ; Instr. Tavernier, 22 oct. 1898, Pauffin : « Le général partit seul avec Picquart. »
  2. Cass., I, 262, Boisdeffre.
  3. Ibid., 152 ; Rennes, I, 428, Picquart. — De même, Boisdeffre (Cass., I, 263 ; Rennes, I, 523).
  4. Instr. Fabre, 45 ; Cass., I, 262, 263 ; Rennes, I, 523, Boisdeffre. — Instr. Fabre, 103, Picquart.
  5. Rennes, I, 428, Picquart.
  6. Ibid. — Le propos est nié par Boisdeffre : « Le général Gonse est pour moi un vieil ami de trente ans,… etc. » (I, 523.) Cependant Boisdeffre a vu Gonse, le 5 août, et il convient (Cass., I, 262 ; Rennes, I, 525) qu’il ne demanda à connaître l’avis « tout à fait précieux et sérieux » de Gonse que le 3 septembre.
  7. Rennes, I, 428, Picquart.
  8. Cass., I, 262 ; Rennes, I, 524, Boisdeffre.