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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Conversation animée, mais sans colère, où Lauth, brusque dans la contradiction[1], a élevé un peu la voix[2]. Picquart n’insiste pas sur l’attribution du petit bleu à Schwarzkoppen : que la carte soit de l’attaché ou de l’un de ses secrétaires, peu importe, puisque l’origine en est certaine. Et Lauth n’insiste pas davantage[3] ; il ne propose même pas à son chef de faire, avec tant de lettres certaines de Schwarzkoppen qui sont au bureau, une comparaison d’écritures[4]. Picquart, lui-même, n’est pas sûr que ce soit l’écriture ordinaire de Schwarzkoppen ; il s’en tient donc à l’affirmation de Lauth ; il ne reviendra pas une seconde fois sur la question[5]. Mais, comme il pense déjà au futur procès où son subordonné sera appelé à déposer, le chef de service ne déposant jamais dans les affaires d’espionnage[6], il précise que Lauth, devant la justice, té-

  1. Instr. Tavernier, 5 oct. 1898, Picquart : « Lauth, qui est très vif dans la contradiction. »
  2. Procès Zola, I, 298, Picquart : « Cet officier n’a attaché au moment aucun caractère douteux à cette question ; la preuve, c’est que nous sommes restés dans les meilleurs termes. » Lauth en convient (154). Précédemment, Lauth a déclaré : « Je n’ai pas pris la question, à ce moment-là, tout à fait comme une proposition en vue de me faire faire un faux. » (153.)
  3. Procès Zola, I, 154 ; Instr. Fabre, 29, Lauth : « L’incident fut clos. »
  4. Instr. Tavernier, 5 oct. 1898, Picquart. — Au procès Zola, Lauth reproche à Picquart de n’avoir pas demandé ces documents de comparaison (I, 331), c’est-à-dire d’avoir ajouté foi à sa propre parole, si nette, à sa catégorique négation.
  5. Instr. Tavernier, 14 oct. 1898, Picquart. — Junck, à l’instruction Tavernier (11 oct.), prétend que la discussion se renouvela, peu de jours après, en sa présence. Lauth ne dément pas, mais dépose que « l’insistance du colonel sur tout ce qui concernait les photographies et ce qui en découlait lui semblait suffisamment étrange pour qu’il fût porté à ne pas avoir grand intérêt de s’en occuper » (12 octobre).
  6. Ainsi Sandherr ne déposa pas au procès de Dreyfus ; ce fut Henry. Dans l’affaire Esterhazy, c’eût été Lauth. (Instr. Fabre, 127, Henry.)