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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


discrètes ; quand elles circuleront dans le ministère, elles ne crieront pas l’origine du document ; ainsi seront évités les propos imprudents des « entourages ».

Lauth ne réussit pas du premier coup ; Picquart lui fit recommencer ses essais à plusieurs reprises[1]. Lauth, agacé, demanda que Junck lui fût adjoint pour ce travail[2].

Lauth dira, par la suite, que Picquart lui commanda « de donner à cette photographie l’apparence d’un petit bleu absolument net, afin de pouvoir dire là-haut, à l’État-Major, qu’il l’avait intercepté à la poste[3] ». Pour transformer une sage précaution en une fourberie absurde, il lui suffira de traduire « là-haut » par « État-Major » et de donner à entendre qu’il faut traduire « État-Major » par « Boisdeffre »[4].

Un petit bleu déplié a 15 centimètres de long sur 13 de large, soit 195 centimètres carrés[5]. Il manquait à

  1. Procès Zola, I, 283, Lauth.
  2. Enq. Pellieux, 28 nov. 1897, Lauth ; Instr. Fabre, 127, Picquart ; Instr. Tavernier, 11 oct. 1898 ; Cass., II, 427 ; Rennes, I, 646, Junck. — « On acheta un pupitre à retoucher. » (Cass., I, 113, Roget.) — « Ce pupitre, répond Picquart, a été acheté sur la demande expresse de Lauth. » (Aff. Picquart, 241.)
  3. Enq. Pellieux, 28 nov, ; Instr. Ravary, 13 déc. 1897 ; Procès Zola, I, 283, 332 ; Instr. Fabre, 29 ; Instr. Tavernier, 12 et 13 oct. 1898, Lauth. — Instr. Tavernier, 5 oct. 1898, Picquart : « Étant donné l’état d’esprit dans lequel j’étais et sur lequel j’ai insisté précédemment plusieurs fois, il est possible que j’aie dit une phrase se rapprochant de celle-là ; mais, je le répète, je n’ai aucune souvenance de la chose. » Au procès Zola (I, 332, 344), Picquart dépose qu’il ne s’est pas servi des termes qui lui sont attribués : il précise sa pensée par cette question à Lauth : « Et les officiers d’ordonnance du ministre qui voient les dossiers ? — Lauth : C’est l’affaire du ministre. — Picquart : J’avais le droit de prendre toutes précautions pour éviter certaines indiscrétions. »
  4. Procès Zola, I, 283, Lauth : « Là-haut désignait ses chefs, c’est-à-dire le sous-chef ou le chef d’État-Major. »
  5. Paul Marie, Le Petit Bleu, 64.