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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Le régiment d’Esterhazy, le 74e de ligne, était caserné à Paris ; Picquart y avait un ami, son camarade de Saint-Cyr, le commandant Curé. Il le pria de passer au ministère[1], et, sans lui révéler le motif de son enquête[2], l’interrogea sur Esterhazy. Curé ne parut pas étonné que le chef du bureau des Renseignements s’enquît du personnage ; il avait eu comme un pressentiment que c’était à cause de lui que Picquart le faisait venir[3]. Il dit « catégoriquement » qu’il n’avait ni considération ni estime[4] pour « cette espèce de rastaquouère[5] » ; mauvais officier, de vie dissolue, toujours à court d’argent, occupé d’affaires de Bourse, peu attaché à son métier et, d’autre part, fureteur, à l’affût des renseignements confidentiels ; il s’occupait « spécialement » d’artillerie et de tir, s’était fait désigner deux fois pour les écoles à feu, y était allé une troisième fois sans solde, à ses frais[6] ; il faisait copier continuellement chez lui par des soldats[7] toutes

  1. Instr. Tavernier, 28 sept. 1898, Picquart : « Le lendemain ou, au plus tard, le surlendemain de ma découverte. » — Curé fixe la date de cet entretien dans la deuxième quinzaine d’avril. (Cass., I, 407 ; Instr. Tavernier, 3, 7 octobre, etc.) Picquart la fixa, d’abord, à une date postérieure, en mai ; il est convenu de son erreur à l’instruction Tavernier (22 octobre), mais continue à croire que l’entretien a précédé sa première entrevue avec Desvernine et suivi « de très près » la reconstitution du petit bleu. C’est une question de jours, — d’un jour ou deux. Il reste établi que l’entretien a eu lieu en avril.
  2. Instr. Tavernier, 23 sept. 1898, Picquart.
  3. Cass., I, 148, Picquart. — Curé (Cass., I, 409) dit « que la situation d’Esterhazy permettait de penser qu’une plainte avait été déposée contre lui ».
  4. Cass., I, 407 ; Rennes, II, 239, Curé. — Cass., II, 116, Esterhazy : « Curé m’en voulait personnellement. »
  5. Instr. Tavernier, Picquart.
  6. Instr. Tavernier; Cass., I, 407 ; Rennes, II, 239, Curé. — De même, Cass., I, 49 ; Rennes, I, 421, Picquart.
  7. Curé nomma l’un de ces soldats, Écalle. (Cass., I, 149, Picquart ; 407, Curé.) — Écalle a déposé qu’en effet il avait copié pour